POLEMIQUE

C’est une discussion agitée entre deux corps. Visiblement, ils semblent insatisfaits de leur état d’isolement. A les voir se jeter l’un sur l’autre avec une étrange violence raisonnée, on se doute que quelque chose a été perdu. La nostalgie de l’accord peut-être ?

L’extrême précision avec laquelle s’expriment leurs désaccords, dont l’absurde raffinement frôle souvent la virtuosité, cache mal une certaine fébrilité.
A quoi peut bien mener cette patience infinie, cette lente pédagogie qu’ils déploient dans leur tentative de ne jamais laisser se résoudre le conflit ?

Nous nous sommes réunis autour d’eux.
Deux acrobates. Ils se tiennent là. Sans voix.
Les corps semblent usés, lassés par le travail.
On décèle encore en eux les dernières traces des exercices de force et de souplesse.
Le cirque a disparu. Le théâtre aussi. Ici, un tatami, deux horloges de combat, deux enceintes et eux.
Ils se tiennent arc-boutés l’un contre l’autre pour tenir debout. Est-ce qu’ils luttent ? Ou est-ce qu’ils ne sont en appui que pour ne pas s’écrouler ?

Ils vont se jeter, s’écraser, se grimper, s’élancer, se soulever, chuter. Ils vont déployer devant nous leurs dernières forces, une dernière danse, entre la grâce d’un tango et la violence de la lutte.